Techniques d’administration de l’adénosine : Un guide complet pour les professionnels de la santé

Adenosine_Group-022718_rdax_1401x573

L’adénosine est un médicament crucial dans l’arsenal thérapeutique des urgences cardiovasculaires, particulièrement pour le traitement de la tachycardie supraventriculaire paroxystique (TSVP). Son efficacité repose en grande partie sur sa méthode d’administration, en raison de sa demi-vie extrêmement courte (moins de 10 secondes). Cet article explore en détail les différentes techniques d’administration de l’adénosine, leurs avantages, leurs inconvénients et leurs considérations pratiques.

 

    1. Administration intraveineuse en bolus rapide

 

 Description de la technique

L’administration intraveineuse en bolus rapide est considérée comme la méthode standard pour l’administration de l’adénosine. Elle consiste à injecter rapidement une dose prescrite d’adénosine dans une veine, suivie immédiatement d’un flush de solution saline.

 Procédure détaillée

        1. Préparer l’adénosine à la dose prescrite (généralement 6 mg pour la première dose).
        2. Préparer une seringue de 20 ml de solution saline normale.
        3. Choisir un site d’injection approprié, de préférence une grosse veine du bras droit (plus proche du cœur).
        4. Injecter l’adénosine en bolus très rapide (1-2 secondes).
        5. Immédiatement après, injecter rapidement le flush de 20 ml de solution saline.
        6. Élever le bras du patient pendant 10-20 secondes pour favoriser la circulation du médicament vers le cœur.

 

Avantages

– Rapidité d’action : L’effet se manifeste généralement en 15-30 secondes.

– Efficacité élevée : Taux de conversion du rythme supérieur à 90% dans la TSVP.

– Technique bien établie et largement étudiée.

 Inconvénients

– Nécessite un accès veineux de bon calibre.

– Peut être difficile à réaliser efficacement en situation de stress.

 Considérations cliniques

La rapidité de l’injection est cruciale. Une injection trop lente peut entraîner une dégradation du médicament avant qu’il n’atteigne son site d’action. Il est essentiel de prévenir le patient des effets secondaires transitoires potentiels (dyspnée, gêne thoracique) avant l’administration.

 

    1. Administration en deux seringues

 

 Description de la technique

Cette méthode utilise deux seringues distinctes : une pour l’adénosine et une pour le flush salin. Elle vise à assurer que toute l’adénosine atteint la circulation systémique.

 Procédure détaillée

        1. Préparer une seringue avec la dose prescrite d’adénosine.
        2. Préparer une seconde seringue avec 20 ml de solution saline.
        3. Connecter la seringue d’adénosine à la voie veineuse et injecter rapidement.
        4. Immédiatement après, connecter la seringue de salin et injecter rapidement.

Adenosine administration (youtube.com)

 

 Avantages

– Assure que toute l’adénosine atteint la circulation systémique.

– Permet un flush plus important et plus rapide.

 Inconvénients

– Nécessite plus de coordination et de dextérité.

– Risque légèrement accru d’erreur due à la manipulation de deux seringues.

 

 Considérations cliniques

Cette technique peut être particulièrement utile lorsqu’on suspecte qu’une partie de la dose pourrait être perdue dans l’espace mort de la tubulure avec la méthode standard. Elle nécessite une pratique pour être exécutée efficacement.

 

    1. Injection d’adénosine en seringue unique

 

 Description de la technique

Cette méthode implique la préparation d’une seule seringue contenant à la fois l’adénosine et le volume de flush salin.

 Procédure détaillée

        1. Prélever la dose prescrite d’adénosine dans une seringue de 10 ml.
        2. Compléter la seringue avec de la solution saline jusqu’à un volume total de 10 ml.
        3. Homogénéiser le contenu en retournant délicatement la seringue plusieurs fois.
        4. Injecter rapidement tout le contenu de la seringue (1-2 secondes).

How to best administer Adenosine for SVT? Single syringe? 3 Way Stopcock? Two Syringe? (youtube.com)

 

Avantages

– Simplicité : Une seule seringue à préparer et à administrer.

– Réduction des erreurs : Minimise les risques liés à la manipulation de multiples seringues.

– Assure que toute l’adénosine atteint la circulation systémique.

 Inconvénients

– L’adénosine est plus diluée que dans d’autres méthodes.

– Volume fixe de flush.

 

 Considérations cliniques

Cette technique peut être particulièrement utile dans des situations où la rapidité et la simplicité sont cruciales. Il est important de s’assurer que la dose totale d’adénosine est correcte malgré la dilution.

 

 

    1. Administration intra-osseuse

 

 Description de la technique

L’administration intra-osseuse (IO) est une alternative lorsque l’accès veineux est difficile ou impossible à obtenir rapidement.

 Procédure détaillée

        1. Mettre en place un accès intra-osseux selon les protocoles standard (généralement au niveau du tibia proximal ou de l’humérus).
        2. Préparer l’adénosine à la dose prescrite.
        3. Injecter rapidement l’adénosine via l’accès IO.
        4. Suivre immédiatement avec un flush de 5-10 ml de solution saline.

 Avantages

– Permet l’administration d’adénosine lorsque l’accès veineux est impossible.

– Peut être plus rapide à mettre en place qu’un accès veineux dans certaines situations.

 Inconvénients

– Technique plus invasive.

– Moins d’études sur l’efficacité comparée à l’administration IV.

– Peut nécessiter des doses légèrement plus élevées.

 

 Considérations cliniques

L’administration IO doit être envisagée rapidement si l’accès veineux est difficile, plutôt que de retarder le traitement. La dose optimale pour l’administration IO n’est pas aussi bien établie que pour l’administration IV, et certains experts recommandent d’utiliser la même dose que par voie IV.

 

 

 Comparaison des techniques

 

 Efficacité

L’administration intraveineuse en bolus rapide reste la technique de référence en termes d’efficacité prouvée. Les autres techniques, bien que théoriquement équivalentes, n’ont pas été aussi largement étudiées.

 

 Facilité d’utilisation

La technique en seringue unique offre probablement la plus grande facilité d’utilisation, suivie de près par la méthode standard en bolus rapide. La technique en deux seringues et l’administration IO sont plus complexes à exécuter.

 

 Applicabilité en situation d’urgence

Toutes ces techniques sont applicables en situation d’urgence, mais la méthode choisie dépendra souvent des circonstances spécifiques (par exemple, la disponibilité d’un accès veineux) et de l’expérience de l’opérateur.

 

 Considérations de sécurité

Toutes ces techniques sont généralement sûres lorsqu’elles sont correctement exécutées. Cependant, l’administration IO comporte des risques supplémentaires inhérents à la procédure elle-même (infection, lésion osseuse).

 

 Protocoles et dosage

Quelle que soit la technique utilisée, les protocoles de dosage standard pour l’adénosine restent généralement les mêmes :

– Première dose : 6 mg

– Deuxième dose (si nécessaire) : 12 mg

– Troisième dose (si nécessaire) : 12 mg

Certains centres utilisent un protocole de dose croissante (3 mg, 6 mg, 12 mg) pour les patients à risque élevé d’effets secondaires.

 

 Formation et compétences

La maîtrise de ces différentes techniques d’administration de l’adénosine nécessite une formation adéquate et une pratique régulière. Il est recommandé que les médecins et le personnel infirmier des services d’urgence et de cardiologie soient formés à au moins deux de ces techniques pour assurer une flexibilité dans différentes situations cliniques.

 

 Considérations spéciales

 

 Patients pédiatriques

Chez les enfants, la dose d’adénosine est basée sur le poids (0,1 mg/kg pour la première dose, jusqu’à un maximum de 6 mg). La technique d’administration reste similaire, mais une attention particulière doit être portée à la précision du dosage.

 Patients gériatriques

Les patients âgés peuvent être plus sensibles aux effets de l’adénosine. Certains cliniciens préfèrent commencer avec une dose plus faible (3 mg) chez ces patients.

 Patients avec transplantation cardiaque

Ces patients sont souvent plus sensibles à l’adénosine en raison de la dénervation du cœur transplanté. Des doses initiales plus faibles (1-3 mg) sont généralement recommandées.

 Effets secondaires et précautions

Quelle que soit la technique utilisée, il est crucial de se rappeler que l’adénosine peut provoquer des effets secondaires transitoires mais intenses, notamment :

– Dyspnée

– Douleur thoracique

– Flush facial

– Sensation de mort imminente

Il est essentiel d’informer le patient de ces effets avant l’administration et de le rassurer sur leur nature transitoire.

 

 

Un truc bien pratique pour l’infusion rapide de l’adénosine

Conclusion

 

L’administration efficace de l’adénosine est un art qui combine connaissance pharmacologique, compétence technique et jugement clinique. Bien que l’administration intraveineuse en bolus rapide reste la technique de référence, les autres méthodes décrites offrent des alternatives précieuses dans différentes situations cliniques.

 

La clé d’une administration réussie, quelle que soit la technique choisie, réside dans la rapidité de l’injection et la minimisation du temps entre l’administration de l’adénosine et le flush salin. La pratique régulière et la familiarité avec plusieurs techniques permettront aux cliniciens d’optimiser l’utilisation de ce médicament crucial dans la prise en charge des tachyarythmies supraventriculaires.

 

En fin de compte, le choix de la technique dépendra de facteurs tels que la situation clinique spécifique, l’expérience de l’opérateur, et les protocoles institutionnels. L’important est d’administrer l’adénosine de manière rapide et efficace pour maximiser ses chances de succès dans la conversion du rythme cardiaque.

 

 

 Références

 

  1. Delaney, B., Loy, J., & Kelly, A. M. (2011). The relative efficacy of adenosine versus verapamil for the treatment of stable paroxysmal supraventricular tachycardia in adults: a meta-analysis. European Journal of Emergency Medicine, 18(3), 148-152.

 

  1. McIntosh-Yellin, N. L., Drew, B. J., & Scheinman, M. M. (1993). Safety and efficacy of central intravenous bolus administration of adenosine for termination of supraventricular tachycardia. Journal of the American College of Cardiology, 22(3), 741-745.

 

  1. Lim, S. H., Anantharaman, V., Teo, W. S., & Chan, Y. H. (2009). Slow infusion of calcium channel blockers compared with intravenous adenosine in the emergency treatment of supraventricular tachycardia. Resuscitation, 80(5), 523-528.

 

  1. Gausche, M., Persse, D. E., Sugarman, T., Shea, S. R., Meislin, H. W., Dalton, A., … & Lewis, R. J. (1994). Adenosine for the prehospital treatment of paroxysmal supraventricular tachycardia. Annals of emergency medicine, 24(2), 183-189.

 

  1. Neumar, R. W., Otto, C. W., Link, M. S., Kronick, S. L., Shuster, M., Callaway, C. W., … & Morrison, L. J. (2010). Part 8: adult advanced cardiovascular life support: 2010 American Heart Association Guidelines for Cardiopulmonary Resuscitation and Emergency Cardiovascular Care. Circulation, 122(18_suppl_3), S729-S767.

 

  1. Greco, S. C., & Gallagher, M. M. (2019). Intraosseous Vascular Access in Adults: A Review of Techniques and Indications. Journal of Emergency Nursing, 45(6), 673-680.

 

  1. Rankin, A. C., & Oldroyd, K. G. (1991). Management of supraventricular tachycardia. American heart journal, 121(6), 1885-1889.

 

  1. Page, R. L., Joglar, J. A., Caldwell, M. A., Calkins, H., Conti, J. B., Deal, B. J., … & Al-Khatib, S. M. (2016). 2015 ACC/AHA/HRS guideline for the management of adult patients with supraventricular tachycardia. Journal of the American College of Cardiology, 67(13), e27-e115.

 

  1. Alabed, S., Sabouni, A., Providencia, R., Atallah, E., Qintar, M., & Chico, T. J. (2017). Adenosine versus intravenous calcium channel antagonists for supraventricular tachycardia. Cochrane Database of Systematic Reviews, (10).

 

  1. Cabalag, M. S., Taylor, D. M., Knott, J. C., Buntine, P., Smit, D., & Meyer, A. (2010). Recent caffeine ingestion reduces adenosine efficacy in the treatment of paroxysmal supraventricular tachycardia. Academic Emergency Medicine, 17(1), 44-49.
Facebook
Twitter
LinkedIn
Pinterest